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Chœur bibliographique de rêve
Un rêve est venu. Elles me chuchotent à l’oreille. Une d’elles nettoie l’écharpe de poussière qui s’accumule autour de mon cou avec un plumeau tête de loup. Throat clearing gestures [je reconnais la voix de Tina Campt 2]. Ça chatouille. Essaim-ensemble. Leurs rires, souffles, machines à coudre caracolent et se chevauchent ; les battements de leurs phrases (elles se lancent, touchent, rebondissent) entrent et ressortent de mes oreilles tombées étalées sur ce paysage (c’est une falaise dans une crique en Bretagne, c’est l’été 2022, il y a monsieur Palomar qui regarde les vaguelettes). [J’entends Saidiya Hartman] Sommes-nous condamnés à jamais, à raconter et à re-raconter le même genre d’histoires jusqu’à la fin des temps 3 ? [Nathalie Quintane se tait mais je l’entends écrire] à ne pas imaginer qu’on puisse faire sien à un tel point un discours théorique qu’il en devient une partie intime 4. Je me rendors, elle écrit que Balestrini ne dore pas [ses emprunts] sur tranche ; je me mets à f
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Édito - Faire merveille n°1
Le Pacifique a toujours eu à cœur d’offrir aux plus grand nombre un accès à la richesse des savoirs et des potentialités du corps et du mouvement par l’expérience sensible et collective. C’est pour nous une urgence d’enrichir le lien social, d’accueillir la diversité, de favoriser l’empathie et l’attention grâce aux pratiques issues du champ chorégraphique et ainsi de rassembler des tentatives, comme des réponses à la crise de la sensibilité qui surgit.Nous avançons de manière empirique, pragmatique et engagée, en lançant à partir de janvier 2024, un rendez-vous mensuel La fabrique des pratiques. Il s’agira d’offrir un panel d’ateliers accessibles à tou·tes et adressés sur mesure : pratiques d’attention, relationnelles, artistiques et sociales puisant dans le champ somatique, la médiation et les protocoles artistiques…Œuvrer afin de faire circuler les savoirs du corps, mettre en mouvement un quartier, des habitant·es, des artistes, des lieux, remettre le soin du corps au cœur d’une co
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Du “témoin” au “baigneur”
Catherine Contour : prendre soin d’une situation, collectivement.Article ci-dessous extrait de La délicatesse d’une situation de Julie Perrin 1, paru dans Une plongée avec Catherine Contour, créer avec l’outil hypnotique, édition Naïca, 2017. Catherine Contour développe un art qui, dans la lignée de l’art participatif et social, reconfigure la relation traditionnelle entre l’objet d’art, l’artiste et le public – un art où l’artiste est considéré non plus comme le producteur d’une œuvre mais comme inducteur de situations, où le spectateur apparaît comme acteur ou participant. La chorégraphe n’engage néanmoins pas les gens dans un processus social de longue durée. Elle ne fait pas non plus des gens le medium ou le matériau principal de ses œuvres en les transformant en performers. L’autoportrait occupant une place centrale, la chorégraphe œuvre plutôt en maître de cérémonie. Il s’agit alors pour elle de repenser la situation spectaculaire dans une plus grande porosité à la présence du
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Jill ou face
« Nous vivons dans le passé dans le présent et dans le futur comme dans un éternel présent. Il semble que nous devenons mais en réalité nous sommes dans un présent infini. Si aujourd’hui nous n’est pas un présent magnifique alors quand serons-nous magnifiques ? » 1 Pendant plus de quatre ans, je me suis intéressée à la trajectoire de Jill Johnston (1929-2010). Danseuse, critique de danse, mère de famille, lesbienne politique, écrivaine, performeuse, amoureuse, gouine, clown, nageuse. La liste est longue. Aussi longue que ses cheveux sur la décennie 60-70. Elle les coupera plus tard, après s’être éloignée du champ de l’art poussée par une urgence de vivre sa vie de lesbienne « lesberated » écrit-elle, lesbienne libérée, lesbérée. Elle fait beaucoup de jeux de mots et ce n’est pas toujours facile de la suivre, ni de la traduire. Elle joue avec les catégories, s’amuse des rôles qu’on lui assigne, écoute les désirs qui la traversent. Je l’ai découverte à la fin de mon doctorat à Paris 8 e
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Sur la pratique des pratiques
En collaboration avec Wilson Le Personnic Je ne me souviens pas du moment exact où le mot « pratique » est entré dans mon vocabulaire de travail, de pensée et de vie, mais je suppose qu’il est probablement arrivé en réponse aux résistances croissantes que j’ai commencé à sentir autour de l’idée de faire des « projets ».Lorsque j’ai commencé à travailler en tant qu’artiste, j’ai rapidement réalisé que l’art est un processus continu qui nécessite un engagement permanent ; être alerte, concentrée, curieuse, engagée et dévouée, aussi bien dans la recherche, les méthodes de travail que dans la vie quotidienne, et que les performances/spectacles ne sont que la partie visible de ce processus pour le public. Je me suis également rendu compte que je ne me retrouvais pas dans le mot « projets » proposé comme cadre de travail et concept dominant par les environnements de plus en plus néolibéraux dans lesquels nous évoluons.J’envisage une/ma pratique (artistique) comme un processus continu, sans